POUR UNE NOUVELLE VIRILITE

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Comme je l’ai établi dans le premier volume de ma trilogie, l’homme vient au monde pour être incarcéré *. Mais il ne ressent pas la cruauté de son destin : il n’attend rien d’autre de l’existence puisqu’on l’y prépare dès le début. Comme pratiquement tous les hommes sont prisonniers, cette situation lui paraît tout à fait positive, elle lui apporte la preuve qu’il est absolument normal et, non sans fierté, il proclame que ce type de vie est viril. De toute façon, il s’est créé un vocabulaire ad hoc : ses gardes-chiourme sont pour lui ses supérieurs; la peine qu’il endure, son devoir moral; l’administrateur du pénitencier est son directeur; le félicite-t-on pour sa bonne conduite, c’est de Yavan-cement professionnel : un tel éloge le comble d’aise, et il affirme alors qu’il adore son travail. Du fait qu’il ne pouvait en être autrement, on a humanisé sa détention au cours de la seconde moitié du xx* siècle. Mais la peine qu’on lui inflige est restée la même : c’est toujours la prison à perpétuité. Pourtant, contrairement à ce qui se passe pour une peine de droit commun, le critère n’est pas ici le danger que représente le délinquant pour la société — c’est-à-dire pour ceux qu’on n’incarcère pas — mais l’utilité qu’il a : ce n’est pas le délit qui détermine la durée de l’emprisonnement, mais la capacité de travail du prisonnier.

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Comme je l’ai établi dans le premier volume de ma trilogie, l’homme vient au monde pour être incarcéré *. Mais il ne ressent pas la cruauté de son destin : il n’attend rien d’autre de l’existence puisqu’on l’y prépare dès le début. Comme pratiquement tous les hommes sont prisonniers, cette situation lui paraît tout à fait positive, elle lui apporte la preuve qu’il est absolument normal et, non sans fierté, il proclame que ce type de vie est viril. De toute façon, il s’est créé un vocabulaire ad hoc : ses gardes-chiourme sont pour lui ses supérieurs; la peine qu’il endure, son devoir moral; l’administrateur du pénitencier est son directeur; le félicite-t-on pour sa bonne conduite, c’est de Yavan-cement professionnel : un tel éloge le comble d’aise, et il affirme alors qu’il adore son travail. Du fait qu’il ne pouvait en être autrement, on a humanisé sa détention au cours de la seconde moitié du xx* siècle. Mais la peine qu’on lui inflige est restée la même : c’est toujours la prison à perpétuité. Pourtant, contrairement à ce qui se passe pour une peine de droit commun, le critère n’est pas ici le danger que représente le délinquant pour la société — c’est-à-dire pour ceux qu’on n’incarcère pas — mais l’utilité qu’il a : ce n’est pas le délit qui détermine la durée de l’emprisonnement, mais la capacité de travail du prisonnier. Et comme on travaille d’autant plus et d’autant mieux qu’on est bien reposé, on le renvoie de temps à autre chez lui et on lui permet, à des intervalles calculés avec précision, de participer à la vie de ceux pour lesquels il purge sa peine. En outre, on ne mettra fin à son incarcération que lorsqu’elle ne sera plus rentable : en cas d’incapacité physique ou de traumatisme psychique. Si un homme bien portant désire interrompre provisoirement sa détention — son crime étant d’être né homme et non femme — il doit prétexter une maladie quelconque ou la mort d’un être aimé. Recourt-il trop fréquemment à ce stratagème ou est-il démasqué, le voici rétrogradé et asservi.

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