Lorsque j’ai publié mon premier roman, Dans le jardin de l’ogre (Gallimard), à l’été 2014, certains journalistes français se sont étonnés qu’une Marocaine puisse écrire un tel livre. Ils entendaient par là « un livre libre et sexuel », un livre trash et cru, qui raconte l’histoire d’une femme souffrant d’addiction au sexe. Comme si, culturellement, j’aurais dû être plus pudique, plus réservée. Comme si j’aurais dû me contenter d’écrire un livre érotique aux accents orientalistes, en digne descendante de Shéhérazade. Pourtant, il me semble que les Maghrébins sont très bien placés pour aborder des thématiques liées à la douleur sexuelle, à la frustration ou à l’aliénation. Le fait de vivre ou d’avoir grandi dans des sociétés où la liberté sexuelle n’existe pas fait du sexe un objet d’obsession permanente. La sexualité est d’ailleurs une problématique très présente dans la création littéraire contemporaine. On la retrouve chez Mohamed Choukri, Tahar Ben Jelloun, Mohamed Leftah, Abdellah Taïa. La littérature érotique, sulfureuse même, continue de se réinventer notamment chez des femmes comme la Libanaise Joumana Haddad, la mystérieuse Nedjma ou bien la Syrienne Salwa Al Neimi, dont le livre, La Preuve par le miel, a été un succès de librairies. Mon premier roman n’a donc rien d’une exception. Et je crois même pouvoir dire que ce n’est pas un hasard si j’ai construit un personnage comme Adèle : une femme frustrée, qui ment, qui mène une double vie. Une femme rongée par les remords et par sa propre hypocrisie. Une femme qui contourne les interdits et qui ne jouit pas. Adèle est, d’une certaine façon, une métaphore un peu extrême de la sexualité des jeunes femmes marocaines.
Amour
SEXE ET MENSONGE
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